Ranulphe et Hadulphe.

Ranulphe possédait un domaine agricole issu d’une villa gallo-romaine. Il en existait sans doute plusieurs sur notre territoire. Alain Jacques estime qu’elles étaient distantes d’environ 1 km; il a retrouvé les traces d’une de ces villas en face du Bois Carré, route de Bailleul.  Vers l’an 500, Clovis avait envoyé Saint Vaast dans notre région pour l’évangéliser. C’est de cette époque que date la fondation d’une église par Saint Vaast à Arras.

Ranulphe convertissait lui aussi les “ barbares ”. On l’imagine arpentant les chemins le bâton à la main… parfois assez loin car il existe une église Saint-Ranulphe dans la banlieue de Douai à Lauwin-Planque. C’est ce bâton qui figure sur notre blason et avec lequel il aurait, dit la légende, fait jaillir une source qui porte son nom, entre Farbus et Vimy, après s’être entendu refuser de l’eau par les habitants de Farbus. En fait, cette source est due à une fracture géologique (la faille de Marqueffles) qui a fait affleurer une nappe phréatique.

La source Saint-Ranulphe est souvent tarie ; Par contre il y a beaucoup d’eau dans le fossé qui est de l’autre côté du chemin. Ce chemin est un itinéraire de randonnée pédestre signalé par des panneaux.

C’est l’époque de la fondation de l’abbaye Saint-Vaast à Arras. Notre Ranulphe a donné ses biens, « entre autres Thélus » à l’abbaye en 674 selon un “document de Saint Vindicien” (« on a mis, sous son nom, des documents dont la fausseté a été reconnue ») !

Hadulphe, fils de Ranulphe, est moine, puis prévôt de Saint-Vaast.

L’abbaye a pris alors une importance considérable.

En 678, le roi Thierry III – petit-fils de Dagobert – avait fait exécuter l’évêque d’Autun, Saint Léger, sur les conseils de son maire du palais Ebroïn. Il en a eu des remords et pour se racheter, il a fait bâtir une nouvelle abbaye et l’a dotée de biens importants. Il s’y est même fait enterrer en 690.

Ranulphe est mort en 700, le 9 novembre. C’est à cette date que, jusqu’à une époque récente, on célébrait sa fête à Thélus. A cette occasion, les fidèles chantaient :

« O Saint Ranulphe, ô martyr, ô modèle, Sur tes enfants, veille du haut des cieux »

Il aurait été martyrisé… par les Thélusiens, qui plus est. On le représente portant une palme, en signe de son martyre.


L’abbé, c'est-à-dire le supérieur de l’abbaye Saint-Vaast s’appelle alors Hatta. C’est Hadulphe qui lui succédera en 710 et il sera ensuite évêque d’Arras-Cambrai en 717. C’est sa crosse qui est aussi représentée sur notre blason dans la croix ansée rouge de l’abbaye bénédictine Saint-Vaast.

Hadulphe meurt en 729. Il est canonisé ; sa fête est célébrée le 19 mai.

Par la suite, les rois de France ont toujours enrichi l’abbaye de faveurs, de privilèges et d’un grand nombre de reliques… vraies ou fausses.

A la révolution, l’abbaye possédait environ 400 hectares à Thélus, près de la moitié du territoire. Quelques moines habitaient en permanence dans la ferme de l’abbaye – ancienne maison de Ranulphe – pour y gérer les terres. C’est peut-être l’origine du surnom donné à une famille : « les moines ».

Le corps d’Hadulphe a d’abord été inhumé dans l’église Saint-Pierre-en-Châtel d’Arras, c'est-à-dire l’église du château du Comte d’Artois, à l’emplacement de la place du Théâtre, puis dans l’église abbatiale, qui reconstruite deviendra la cathédrale.

Celui de Ranulphe est resté à Thélus jusqu’en 1194, date à laquelle les moines de l’abbaye ont décidé de le ramener près de son fils. Le transfert s’est fait en grande pompe bien sûr. A cette procession assistaient Henri, ancien abbé de Clairvaux, cardinal évêque d’Albanie et légat du pape, Pierre, évêque d’Arras, les abbés de Saint-Éloi et de Maroeuil…Le cortège emprunte le chemin de Roclincourt, seule route d’Arras à l’époque, l’actuelle route nationale n’existait pas. Un berger le fait arrêter et reproche aux Thélusiens d’avoir laissé enlever leur « protecteur et Saint patron ». Les prélats parviennent à vaincre cette résistance et la procession se remet en route. On a planté une aubépine à cet endroit, qui s’est appelé le buisson de la folie.

Les anciens racontaient une autre version plus merveilleuse : ce berger, étant le seul du village à n’avoir pas donné son accord, il signe le registre que lui tendent les moines. A ce moment, une voix s’élève du buisson disant : « Berger, tu fais folie ».

Cet endroit, que les anciens fermiers appelaient encore “La Folie” est situé près de l’actuel pont sur l’autoroute.

Le sarcophage de Ranulphe est resté dans l’église de Thélus au pied de l’autel. Il a déjà été décrit dans une revue municipale. En 1914, il y était encore…

Les reliquaires qui sont de chaque côté de la statue de Ranulphe contiennent des petits os “du saint”.

Un autre lieu-dit de Thélus porte aussi le nom de “ Folie ” ; il s’agit de la partie de la forêt domaniale de Vimy qui est à la limite de notre territoire.

Une ferme-château s’élevait là avant 1914. On l’appelait « Le château de Monsieur Bocquet ». C’est de là que les allemands envoyaient des obus sur Neuville de 1915 à 1917.

Un poète, Jean Le Roy, ami de Cocteau et tué en 1918 avait cité le Bois de la folie dans son poème « le cavalier de frise », Anthologie des écrivains morts à la guerre 1914-1918., II, Amiens, 1924.


« J’ai vu bondir cent palefrois Devant le bois de la folie »


[écrit dans la tranchée entre Neuville et Thélus]

Jean-Pierre Comblet

Quelques photos de l'église Saint Ranulphe de Thélus :
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